C'est peut-être la maison dans laquelle je vivais
quand je n'existais pas et qu'il n'y avait pas de terre,
quand tout était lune ou pierre ou ombre,
quand la lumière immobile n'était pas née.
Peut-être alors cette pierre était-elle
ma maison, mes fenêtres ou mes yeux.
Me rappelle cette rose de granit
quelque chose qui m'habitait ou que j'habitais,
grotte ou tête cosmique des rêves,
coupe ou château ou navire ou naissance.
Je touche l'effort tenace du rocher,
son rempart battu dans la saumure,
et je sais que mes fissures sont restées ici,
substances ridées qui ont augmenté
des profondeurs de mon âme,
Et pierre j'étais, pierre je serai, c'est pourquoi
Je touche cette pierre et elle n'est pas morte pour moi :
c'est ce que j'étais, ce que je serai repos
de votre combat aussi longtemps que le temps.
Pablo Neruda